Dialogue suspendu, ambassadeur rappelé, le ministre Casimir le regrette et précise la position haïtienne
La crise opposant Haïti et la République dominicaine prend un nouveau tournant. La république voisine a décidé mercredi de suspendre les négociations avec Haïti et a rappelé pour consultation son ambassadeur dans le pays, vingt-quatre heures après la déclaration de la CARICOM condamnant l’arrêt 168/13 de la Cour constitutionnelle dominicaine. Le chancelier haïtien, Pierre Richard Casimir,déclare regretter le comportement des autorités dominicaines en s’interrogeant sur leur volonté de parvenir à une solution à la crise.


Le gouvernement dominicain a décidé de ne pas participer à la rencontre prévue le samedi 30 novembre à Caracas. La deuxième du processus de dialogue entamé entre les deux pays avec la médiation du Venezuela. C’est le ministre dominicain à la présidence, Gustavo Montalvo, qui a fait l’annonce au cours de la journée de mercredi. «Nous comprenons que le gouvernement haïtien a rompu l'accord que nous avons signé la semaine dernière, dans lequel les deux pays ont choisi de prioriser le dialogue en vue de trouver des solutions à toutes les questions concernant les deux peuples, en conséquence, nous n’irons pas à la réunion », lit-on dans le communiqué publié sur le site de la présidence dominicaine. La décision de la CARICOM de suspendre l’examen de la demande d’intégration du pays voisin à la structure régionale en condamnant formellement la décision du tribunal constitutionnel peut expliquer l’aversion des autorités dominicaines.
Plus tard dans la journée de mercredi, le gouvernement dominicain, par le biais de son ministre adjoint des Affaires étrangères, José Manuel Trullols, a annoncé sa décision de rappeler pour consultation son ambassadeur en Haïti. Une décision sitôt notifiée verbalement par l’ambassadeur Ruben Silie Valdez au ministre haïtien des Affaires étrangères, Pierre-Richard Casimir.« Selon les normes diplomatiques, le gouvernement de la République dominicaine notifie au gouvernement haïtien sa décision d'appeler pour consultation son ambassadeur, le temps d’exprimer son dégoût pour la violation de la déclaration commune », peut-on lire dans une déclaration publiée par le journal Listin Diario.
Le vice-ministre s’est aussi entretenu en urgence cet après-midi avec l’ambassadeur haïtien en terre dominicaine, Fritz Cinéas, au siège du ministère dominicain des Affaires étrangères, dans le but d’exprimer le mécontentement des Dominicains. José Manuel Trullols affirme : «Nous tenons à vous informer que le gouvernement de la République dominicaine se sent très préoccupé par le manque de considération dont le gouvernement haïtien a fait montre à l’égard de la déclaration commune signée il y a quelques jours. Après la signature de la déclaration, le gouvernement haïtien a pris des mesures contraires à la présente déclaration, comme en témoigne la récente réunion de la CARICOM.
Par conséquent, le gouvernement dominicain a appelé pour consultation son ambassadeur». Le ministre des Affaires étrangères, Pierre-Richard Casimir, qui nous a donné sa réaction sur la décision des autorités dominicaines, a dit :« Nous regrettons cette décision ». « Néanmoins, la délégation haïtienne n’était pas trop déterminée à continuer les discussions dans le contexte actuel », a informé le ministre. « Comme l’avait soutenu le président Martelly, je me demande le pourquoi du dialogue, alors qu’il n’y a, pas dans la réalité, des décisions qui traduisent la bonne foi et la volonté de dialoguer », a déclaré le chancelier haïtien.
En dépit de l’échec de cette tentative de mettre à table les autorités des deux pays avec la médiation du Venezuela, le ministre Casimir affirme que les deux pays sont condamnés à vivre ensemble. « Nous admettons qu’il existe des différends entre les deux peuples aujourd’hui, des différends qui seront quand même résolus, comme cela arrive avec d’autres nations », a soutenu le chancelier, qui réaffirme la volonté du gouvernement auquel il appartient de défendre les intérêts des Haïtiens. Sur les critiques portées par le gouvernement dominicain concernant le fait que les Haïtiens auraient violé la déclaration signée avec la République dominicaine, le chef de la diplomatie haïtienne dément.
Pierre-Richard Casimir explique que dans le cadre de la déclaration cosignée avec les Dominicains, la délégation haïtienne avait pris le soin de spécifier que le dialogue sera priorisé tant que les deux parties montreront, dans les faits, la bonne foi et la volonté de discuter. Le ministre précise : « On n’entendait pas dialoguer pour dialoguer, on voulait dialoguer pour arriver à quelque chose de concret ». Ces décisions du gouvernement dominicain arrivent à un moment où la tension ne cesse de monter entre les deux peuples voisins. Pas moins de 347 ressortissants haïtiens ont été rapatriés les 23 et 24 novembre à la frontière de Jimani/Malpasse, parmi eux, 107 enfants, dont l’un âgé de seulement trois jours, selon un rapport du Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (GARR).
Des déportations orchestrées par les autorités policières et militaires dominicaines qui ont refoulé en Haïti des dizaines de personnes sans défense qui étaient venues leur demander protection. Le GARR affirme avoir reçu des témoignages autour de la mort de quatre personnes originaires de la zone de Grand-Bois/Cornillon suite à des représailles contre les immigrants haïtiens. Sur ce point, le ministre Casimir s’est référé à la récente lettre du président dominicain au Premier ministre jamaïcain et président de la CARICOM, dans laquelle il a donné la garantie qu’il n’y aurait pas de déportation d’immigrants haïtiens. Pierre-Richard Casimir affirme que « sur le terrain la réalité est tout autre. Selon les informations dont nous disposons, il y a eu durant les derniers jours des déportations forcées ». Le ministre affirme qu’il est demandé aux consulats haïtiens basés à l’autre côté de la frontière de s’informer sur ces cas de déportation tout en prenant les dispositions pour protéger les ressortissants haïtiens.
Le Nouvelliste