Dr Jean W. Pape et le GHESKIO récompensés pour la lutte contre la tuberculose

Le prix Kochon, une nouvelle distinction au tableau d’honneur de GHESKIO pour sa lutte contre la tuberculose. Altruiste, le docteur Jean William Pape le partage avec son équipe et le partenaire du GHESKIO, le ministère de la Santé publique.

Centres GHESKIO, angle rue Chareron et Bicentenaire. C’est au seuil de la porte de son bureau que le docteur Jean William Pape reçoit Le Nouvelliste, une poignée de minutes après 2 heures, ce lundi 10 février 2014. Calvitie, blouse blanche, bras de volleyeur, chemise Lacoste rose, le pape de la recherche médicale en Haïti aborde un grand sourire sur un visage amical et aimable. Sosie de l’acteur écossais Sean Connery, Jean William Pape n’a pourtant rien d’un 007. Il est plutôt colombe, de la lignée d’un Abbé Pierre, d’une mère Theresa. Des « grandes âmes » ayant consacré leur existence au service des autres. L’arme de cet ancien élève du Petit séminaire collège St-Martial, c’est le stéthoscope, les éprouvettes. Sans le look du savant fou. Depuis son retour d’études de Weil Cornell en 1979, il a introduit le fameux sérum oral qui a sauvé et qui sauve la vie des enfants diarrhéiques à l’HUEH, il n'en finit pas de soigner les PVVIH, les tuberculeux. La vie de Jean William Pape n’est pas un mystère mais un livre ouvert. Entre les quatre murs de son bureau, de son cocon, des photos avec l’ex-président américain Bill Clinton, des acteurs, des académiciens et des distinctions prestigieuses qu’une institution ne décroche jamais ensemble. Les milliardaires Bill Gates, Carlos Slim l’ont honoré pour son travail à GHESKIO, ainsi que l’Institut Charles Mérieux, qui porte le nom du célèbre médecin français décédé en 2001 qui avait dédié sa vie à la médecine.

Dans son antre, Jean William Pape va accrocher, à côté de sa distinction préférée, le prix Léon Audain décerné par l’Association médicale haïtienne, une nouvelle marque de reconnaissance, le prix Kochon. Ce prix, créé en 2006 qui porte le nom de Chong-Kun Lee, récompense en 2013 MSF et GHESKIO pour leur action dans la lutte contre la tuberculose dans les zones de conflit et les camps de réfugiés.

Cette distinction, confie Jean William Pape, « est une source de fierté ». « Pas pour nous uniquement mais pour Haïti, pour le MSPP, pour le Programme national de lute contre la tuberculose », souligne-t-il, altruiste, sous les yeux du docteur Willy Morose, directeur du programme au ministère. A GHESKIO, au MSSP, ce prix redonne du zèle. La bataille est et sera longue contre la tuberculose, « la maladie des pauvres », explique ces deux médecins. Actuellement, la prévalence de la tuberculose est de 299 cas pour 300 000 habitants. « C’est élevé par rapport à la région mais la maladie est sous contrôle », s’accordent à dire Morose et Pape. « Nous allons consacrer ces 10 prochaines années à la lutte contre la tuberculose multirésistante », confie le docteur Pape, ajoutant que ces cas représentent 2,9 % sur 1000 malades. C’est déjà préoccupant, explique ce scientifique. Il faut 20 000 dollars US pour traiter une tuberculose résistante en 24 mois alors qu’en six mois on soigne une tuberculose simple avec 20 dollars US, dimensionne Jean William Pape, qui mise sur la recherche pour écourter le temps de la cure, renforcer l’efficacité des traitements. Actuellement, à GHESKIO et dans d’autres centres éparpillés dans les 10 départements du pays, on fait lediagnostic et le traitement de la maladie.

En 2012, sur le territoire, 16 723 cas ont été dépistés. En revanche, la diminution du nombre de sinistrés dans les camps a permis une baisse du nombre de tuberculeux, souligne Pape, révélant au passage que l’an passé, dans le laboratoire de standard international de GHESKIO, quelque 60 000 dépistages ont été effectués. Jean William Pape, membre de la prestigieuse académie de sciences médicales des USA, après les victoires sur le sida dont le taux de prévalence actuelle est de 2,2 % , embarque ses collaborateurs, plus de 400, dans cette nouvelle croisade anti-TB. Ce vieux sage, qui croit qu’il faut mener une bataille à la fois, compte sur une armée de jeunes professionnels haïtiens formés dans les meilleures universités. « Je vois l’avenir », affirme cette sommité académique, père de quatre fils, qui n’a jamais changé sa nationalité. Ce médecin peiné par la misère ambiante, qui voit pourtant « la marche sinueuse vers le progrès », affiche une reconnaissance sans faille envers des ex-premières dames de la République pour leur engagement.

De Michèle Bennett à Mildred Aristide, en passant par madame Préval et madame Sophia Martelly. Des fois, cela aide quand on passe un seul coup de fil à ces dames pour que l’on facilite le dédouanement de médicaments pour les malades, explique Pape, qui s’est tenu à l’écart de la politique. C’est un choix. De ses collaborateurs, peu importe l’appartenance politique et idéologique, il ne demande que trois choses : sérieux, éthique, volonté de bien faire son travail. Des valeurs qui l’habitent, lui et son action depuis toujours.

Roberson Alphonse/Le Nouvelliste