Un début d’année législative désastreux pour les députés
Pas une seule séance plénière valable en 42 jours. Pas une seule loi votée. Aucun acte législatif. Les commissions permanentes sont l'ombre d'elles-mêmes. C’est une année législative mal entamée par les députés qui partiront en vacances d’ici le 2e lundi de mai 2014…
Du 15 janvier au 27 février, cela fait très exactement 42 jours depuis qu’un nouveau bureau prend les rênes de la Chambre des députés. Il est 13 h, ce jeudi. C’est l’un des trois jours ordinaires retenus pour les séances plénières à côté des mardi et mercredi de chaque semaine. Des groupuscules se sont massés çà et là sur la cour du Parlement. D’autres, employés ou particuliers, font le va-et-vient. Des journalistes discutent entre eux. Caméras sur le dos. Magnétophone dans la poche ou en main. Ils cherchent un député ou un sénateur pour arracher quelques mots sur un dossier quelconque. Faute de pouvoir assister à une séance plénière depuis le début de la 4e année législative, il y a environ deux mois. Il n’y a que quelques rares députés sur la cour. Certains, comme toujours, ont accepté de répondre aux questions des journalistes qui ne veulent évidemment pas perdre la journée. C’est devenu plus qu'une coutume. Réaliser une séance plénière est paradoxalement une chose événementielle.
Selon le député Sadrac Dieudonné, la situation s’est détériorée depuis l’élection du nouveau bureau constitué exclusivement des députés de la majorité présidentielle. «Cette année, les députés du bloc Parlementaires pour la stabilité et le progrès (PSP) se sont montrés plus que jamais indisciplinés, a dit le député de l’opposition. Ils n’ont pu réaliser aucune séance. La seule et unique séance plénière a été réalisée grâce au concours des deux groupes minoritaires qui avaient donné quorum pour que cette séance puisse se tenir effectivement. Cela fait deux années consécutives que la majorité présidentielle contrôle tout le bureau et les commissions permanentes les plus importantes telles que les commissions Justice, Finances, Planification, Éthique et anticorruption, Intérieur… »
Le président du bloc Parlementaires pour le renforcement institutionnel (PRI) rend la majorité présidentielle responsable de la paralysie de la Chambre basse. « Les députés de la majorité présidentielle ont refusé de se présenter dans les séances. Ils préfèrent pratiquer la politique de la chaise vide. Nous autres de l’opposition, nous nous sommes toujours présentés au Parlement. Tous les membres du PRI sont toujours mobilisés pour participer aux séances. Mais on ne peut pas traîner les députés de la majorité présidentielle à assister aux séances. C’est à eux de prendre conscience. »
Pour forcer les députés à venir faire leur travail, le bureau présidé par Jacques Stevenson Thimoléon a fait placarder une note dans tous les coins du Parlement pour annoncer des mesures contre ceux qui refusent de participer régulièrement aux séances. Dans la note, il prévoit de rendre public les noms de tous les absentéistes.
Sadrac Dieudonné qualifie une telle mesure de démagogie. Car, poursuit-il, le simple fait que la majorité présidentielle contrôle tout le bureau suffit pour qu’il y ait quorum nécessaire pour obtenir séance. « Il serait mieux de placarder cette note au Palais national, à KaliKo Beach et dans tous les autres lieux de réunion entre la majorité présidentielle et le chef de l’État. Il est plus facile de trouver ces députés dans ces lieux qu’ici au Parlement », ironise le parlementaire qui se dit lui-même satisfait de son bilan en se détachant du lot.
Un autre son de cloche. Le député Guy Gérard Georges, président du groupe Parlementaires pour l’équilibre, n’a pas dédouané les députés de leur propre responsabilité. « C’est de l’irresponsabilité, a fulminé l’élu de Torbeck /Chantal. Après la conférence des présidents chaque lundi, tous les députés savent bien qu’ils doivent se présenter dans les séances tous les mardis, mercredis et jeudis. Il est clair, le bureau procède par tâtonnement pour faire une séance. »Il croit par ailleurs que le bureau doit prendre des mesures drastiques contre les députés absentéistes conformément au règlement intérieur de la Chambre. « On peut commencer par publier leurs noms dans les journaux », conseille le parlementaire.
Ce n’est pas le député Ruffine Labbé du bloc Parlementaires pour l’équilibre politique qui contredira ses collègues. «C’est malheureux qu’il n’y ait jamais eu de séance depuis l’ouverture de la session. Il est important que le président de la Chambre des députés prenne les dispositions nécessaires pour forcer les députés à venir dans les séances afin de voter des lois qui sont longtemps en souffrance », a-t-elle déclaré, soulignant toutefois que le fait de placarder des notes pour porter les députés à venir dans les séances est un acte prouvant que le bureau est en situation de faiblesse. Toutefois, martèle Ruffine Labbé, l’opposition n’est pas responsable s’il n’y a pas de séance. Il y a une écrasante majorité présidentielle qui, d’ailleurs, contrôle tout le bureau.
Pour sa part, le chef de file de la majorité présidentielle indique que des dispositions vont être prises pour faciliter la tâche au nouveau bureau. « Nous envisageons de renforcer le bloc majoritaire, d’élaborer un agenda de travail, un agenda législatif et un agenda politique, a laissé entendre le député Altès Toussaint. Nous cherchons des moyens pour permettre aux députés de venir régulièrement dans les séances et participer activement dans les débats. » Cependant la priorité de l’élu de St-Marc est de « permettre à la majorité présidentielle de posséder un bureau, un local pour faire ses réunions régulières de travail ». « Nous envisageons la question de participation des députés du PSP aux prochaines élections… »
Le Nouvelliste